Suite à la parution par Ordonnance n° 2021-961 du 19 juillet 2021 relative à la certification périodique de certains professionnels de santé, la Haute Autorité de Santé a été chargée de proposer une méthode d’élaboration des référentiels de certification. Cette méthode, validée le 13 juillet 2022 par le collège de la HAS, sera soumise à l’approbation du ministre chargé de la santé et fera l’objet d’un arrêté, après avis du Conseil national de la certification périodique.
La recertification, jusqu’alors expérimentée pour les seuls médecins s’appliquera à compter du 1er janvier 2023 aux chirurgiens-dentistes, sage-femmes, pharmaciens, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes et pédicure-podologues. Dès janvier 2023, chaque professionnel devra disposer d’un compte individuel (portfolio) qui retracera les actions de certification périodique suivies. La périodicité de l'obligation de certification est tous les six ans pour les professionnels débutants leur exercice après le 1er Janvier 2023. Par dérogation, les professionnels en exercice au 1er janvier 2023, disposeront d'un délai de neuf ans pour attester avoir réalisé les actions de formation requises pour leur première période de certification qui commence à compter de cette date. (voir notre article complet sur la recertification des professionnels de santé)
La certification périodique va structurer un processus engagé depuis de nombreuses années avec la formation médicale continue, l’évaluation ou l’analyse des pratiques professionnelles, la gestion des risques, le développement professionnel continu. La certification périodique, sera fondée sur quatre axes, dont celui de « l’actualisation des connaissances et compétences », de « l’amélioration de la qualité des pratiques professionnelles » et, prenant en compte les évolutions sociétales, elle y ajoute un axe dédié à la « relation avec les patients » ainsi que, fait novateur, « la prise en compte de la santé individuelle du praticien ».
Actualisation des connaissances et des compétences
Connaissances et compétences sont deux fondements de l’exercice professionnel. Ces deux volets ont été développés pour chaque professionnel diplômé lors de sa formation initiale, jusqu’à un niveau autorisant l’exercice professionnel. Les enjeux de la recertification sont d’assurer des connaissances conformes au regard des données de la science, de l’actualisation des connaissances, des valeurs professionnelles, de l’éthique, de la déontologie, des priorités de santé publique, de l’évolution des politiques de santé et des évolutions sociétales.
Amélioration de la qualité des pratiques professionnelles
L’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins implique une évaluation des pratiques professionnelles, afin de promouvoir des démarches organisées et portées par les professionnels face à des exigences et des attentes de plus en plus fortes. Les enjeux sont de garantir des pratiques conformes au regard des recommandations de bonne pratique, des référentiels qualité, des valeurs professionnelles, de l’éthique, de la déontologie.
Amélioration de la relation avec le patient
L’amélioration de la relation avec le patient est une composante fondamentale de l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins. Il existe des attentes fortes des patients pour une relation de qualité au regard des recommandations de bonne pratique, des valeurs professionnelles, de l’éthique, de la déontologie, des droits des patients. Les enjeux sont multiples : contribuer au renforcement du dialogue, améliorer la transparence de l’information, développer l’écoute active et la bienveillance ; assurer une relation de qualité avec l’entourage et/ou de collaboration avec les aidants dans le respect des droits du patient ; prendre en compte des évolutions qui modifient la relation (niveau d’information des patients, impact des nouveaux outils numériques et nouvelles formes de prise en charge numérique…) ; rendre le patient co-acteur de sa santé.
Prise en compte de la santé individuelle du praticien.
La santé des professionnels est un élément constituant de la qualité des soins, de la capacité à mettre en œuvre une relation thérapeutique de qualité. Et il importe également que le professionnel ait la capacité à prendre soin de lui-même, pour lui-même. La santé des professionnels est aujourd’hui intégrée à la formation des différentes professions de santé, constituant pour certaines une compétence spécifiquement énoncée. Les enjeux sont de promouvoir, maintenir et améliorer l’état de santé ; de prévenir les altérations psychiques et somatiques et de rendre chaque professionnel acteur attentif de son propre état de santé.
La HAS précise que cet axe n’a pas vocation à demander ou recueillir des données de santé personnelle. Mais paradoxalement, elle suggère que les actions à conduire ou les préconisations proposées au professionnel dans ce cadre pourraient se fonder sur : la déclaration d’un médecin traitant (n’exerçant pas au sein de la même équipe hospitalière ou du même cabinet, sans lien familial), le maintien du calendrier vaccinal à jour, le suivi des recommandations générales de dépistage selon son âge et son sexe.
Modalités d’évaluation des actions
Si une attestation de participation constitue un justificatif de présence, elle ne saurait avoir valeur d’évaluation. L’évaluation des actions faites permet au professionnel de se positionner sur ses connaissances, compétences professionnelles sur un sujet précis, à un temps donné.
Les modalités d’évaluation diffèrent selon les méthodes ou outils qui fondent l’action (évaluation de connaissances avec pré-test/post-test répétés, suivi d’indicateurs de processus, de résultats, suivi des actions d’amélioration, mesure de changement de pratiques…).
L’évaluation de la compétence peut notamment s’effectuer par :
‒ les mises en situation professionnelles (lors d’une situation réelle de travail ou de mise en situation simulée) ou encore, mais pas exclusivement, par les ressources (afin de s’assurer que le professionnel possède bien les connaissances, les modes de raisonnement...) ;
‒ les auto-évaluations qui permettent au professionnel d’être acteur de ses apprentissages, du cheminement associé. Elles peuvent nécessiter l’intervention d’un évaluateur externe qui se sert de l’auto-évaluation du professionnel pour évaluer sa réflexivité, sa bonne compréhension de son rôle de professionnel dans son environnement de travail ;
‒ l’élaboration et la rédaction d’un portfolio ;
Le portfolio
Le portefeuille de compétences, encore appelé portfolio par ses créateurs nord-américains, est un dossier personnel documenté et systématique. Il est constitué par la personne en vue d’une reconnaissance des acquis ou d’une validation des acquis. Il est le résultat d’une démarche personnelle et demeure la propriété de son auteur, qui reste maître de son utilisation et de sa maintenance (définition du Conseil National de l’Ordre des Médecins). À noter que le portfolio est intégré en France à la formation initiale de plusieurs professions : infirmiers, médecins généralistes, masseurs-kinésithérapeutes, par exemple ; et en déploiement via la plateforme ParcoursProOnline par la Fédération des Spécialités Médicales (FSM).
Selon les propositions de la HAS, il est destiné à recueillir :
- les points d’amélioration des connaissances, des compétences ou de pratiques, les objectifs d’amélioration, les moyens définis pour atteindre ces objectifs et les expériences suivies par le professionnel, notamment au niveau des formations ;
- l’analyse d’une situation clinique démontrant une capacité et une mise en œuvre d’analyse réflexive personnelle permettant de détailler les problèmes posés, les connaissances nécessaires, les compétences mises en jeu et les modifications (ou renforcements) constatées sur les pratiques professionnelles ;
- des événements ponctuels ou spécifiques marquants au cours de la pratique ayant eu un impact professionnel. Il peut s’agir de particularités ou de mises au point diagnostiques ou thérapeutiques, d’événements indésirables, de descriptions de projets en cours (thèse, mémoire, recherche), de résultats de recherches bibliographiques ou d’analyse d’articles, de présentations faites au cours de réunions scientifiques, par exemple.
Dès janvier 2023, chaque professionnel devra disposer d’un compte individuel (portfolio) qui retrace les actions de certification périodique suivies. Ces comptes seront gérés par une autorité administrative qui sera désignée par voie réglementaire. Il y a fort à parier que cette mission sera confiée à l’ANDPC, avec, espérons-le, une automatisation de l’enregistrement des actions de formation triennales DPC.
Ne pas satisfaire à ces nouvelles obligations constituera une faute avec sanctions à la clef
L’ordonnance du 19 juillet 2021 confie aux ordres professionnels compétents le contrôle du respect par les professionnels de santé de leur obligation de certification périodique.
Le fait pour un professionnel de santé mentionné à l'article L. 4022-3 de ne pas satisfaire à cette obligation constitue une faute susceptible d'entraîner une sanction disciplinaire.
Dans l’absolu, la liste des sanctions qui peuvent être prononcées par les juridictions ordinales va de l’avertissement au blâme, jusqu’à l’interdiction temporaire ou définitive d'exercer la profession.
Philippe TISSERAND
One Another Consulting