Suite de notre feuilleton sur l’examen du PLFSS 2023 : « Alors que la nouvelle lecture [du texte] devait commencer en séance, près de sept cents amendements ont été déposés, en plus de ceux adoptés en commission. Nous ne pouvons pas perpétuellement rejouer des débats qui ont déjà été tranchés », a estimé la première ministre qui a déclenché à nouveau le 49.3 sur la partie recettes, procédure permettant l’adoption du texte sans vote.

Élisabeth Borne a précisé dans l’Hémicycle que le projet sur lequel le gouvernement engage sa responsabilité rétablit largement le projet de loi tel qu'il a été adopté à l'issue de la première lecture et qu’il ne contient que des modifications limitées. Je vous propose de faire le point sur quelques mesures phares rétablies au détour de l’examen en seconde lecture à l’Assemblée Nationale.

Cumul emploi retraite, non à l’exonération de cotisations pour tous les professionnels de santé

À noter, le maintien d'une disposition pour les médecins en cumul emploi retraite, inspirée de l’amendement du Pr Philippe Juvin, député LR dans le cadre de la lutte contre les déserts médicaux. « Sous réserve que leur revenu professionnel non salarié annuel soit inférieur à un montant fixé par décret, les médecins remplissant les conditions prévues aux quatre derniers alinéas de l’article L. 643-6 du Code de la Sécurité sociale sont exonérés, au titre de leur activité professionnelle en qualité de médecin, des cotisations d’assurance vieillesse (…) au titre de l’année 2023 ».

Le mardi 8 novembre le Sénat était allé plus loin en adoptant contre l’avis du gouvernement un amendement de la rapporteure centriste Élisabeth Doisneau visant à étendre cette exonération à « l'ensemble des professionnels de santé ». La rapporteure avait évoqué « un souci de justice ».

Pour la ministre chargée des PME et du Commerce Olivia Grégoire, « le vrai problème se porte principalement sur les médecins (…) Si la question de la démographie des autres professions de santé peut se poser, elle est peut-être moins prégnante ». La ministre a précisé à cette occasion qu’il s’agissait « d’une mesure bornée dans le temps », en attendant une « réponse plus pérenne » dans le cadre de la prochaine réforme des retraites.

Pour Les Républicains, selon René-Paul Savary, rapporteur de la branche vieillesse, il s'agit « d’un amendement d'appel » ayant donc vocation à être retiré, pour attirer l’attention du gouvernement sur les « difficultés des infirmières ». Cette question « mérite une discussion plus large » selon le médecin généraliste, Sénateur de la Marne, dans la mesure où cette exonération de cotisations pour les seuls médecins représenterait « un manque à gagner évalué à 200 millions d'euros » pour leur caisse de retraite.

Bernard Jomier, autre médecin généraliste et Sénateur socialiste de Paris, dénonçait pour sa part « un article fragile » risquant d’entraîner « une mécanique vraiment folle ». Une autre question serait selon lui à poser : « Pourquoi ne pas ouvrir des droits supplémentaires pour les cotisations versées après la retraite ? ».

Réintroduction sans surprise de trois articles supprimés par le Sénat

L’extension de la permanence des soins ambulatoires (PDSA) aux chirurgiens-dentistes, aux sages-femmes et aux infirmiers avait été supprimée par le Sénat, considérant le PLFSS comme un moyen inapproprié pour une mesure dont il ne contestait cependant pas le principe.

L’article 24 bis est donc rétabli et complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes et les infirmiers diplômés d’État mentionnés à l’article L. 162 9 du Code de la sécurité sociale, dans le cadre de leur activité libérale, et aux articles L. 162 12 et L. 162 32 1 du même code ont vocation à concourir à la mission de service public de permanence des soins dans les conditions définies à l’article L. 1435 5 du présent code. Tout autre chirurgien-dentiste, sage-femme ou infirmier ayant conservé une pratique de sa profession a vocation à y concourir, selon des modalités fixées contractuellement avec l’agence régionale de santé. Les mesures d’application du présent alinéa, notamment les modalités de rémunération des professionnels de santé concernés, sont fixées par décret ».

Les mêmes causes et les mêmes effets avaient été avancés par le Sénat pour supprimer l’expérimentation d’un accès direct aux infirmiers en pratique avancée (IPA). L’Assemblée Nationale a également réintroduit l’article 24 ter par voies d’amendements dans la rédaction suivante : « Pour une durée de trois ans et à titre expérimental, l’État peut autoriser les infirmiers en pratique avancée à prendre en charge directement les patients dans le cadre des structures d’exercice coordonné mentionnées aux articles L. 1411-11-1, L. 1434-12, L. 6323-1 et L. 6323-3 du code de la santé publique. Un compte rendu des soins réalisés par l’infirmier en pratique avancée est adressé au médecin traitant et reporté dans le dossier médical partagé. ». Le texte précise par ailleurs que les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale arrêteront la liste des territoires participant à cette expérimentation, dans la limite de trois régions.

Enfin et quand bien même cela ne fait pas partie de meilleures nouvelles, le fameux article 44 supprimé par le Sénat a été rétabli par l’amendement 515 déposé par Stéphanie Rist, députée du Loiret et rapporteuse générale du texte. La médecin rhumatologue (Médecienne est un mot que l'on rencontrait dans le français du Moyen Âge mais qui n'a pas survécu) l’a ainsi justifié dans son exposé des motifs :

« Les moyens de contrôle des caisses de sécurité sociale sont limités, au regard du nombre et des capacités de fraude des professionnels de santé, établissements, laboratoires, pharmacies, entreprises de transport sanitaire... En l’état actuel des choses, elles ne peuvent récupérer qu’une petite partie de l’indu lié à ces fraudes, qui correspond à la partie effectivement contrôlée, même s’il y a des facteurs très probants qui conduisent à savoir que l’indu est largement supérieur. »

La rapporteure estime en effet que les caisses doivent être mieux outillées pour lutter contre la fraude, et que nous devons faire avec les moyens de contrôle que nous pouvons financer. Une façon de reprendre à son compte les objections du gouvernement qui par la voix de Gabriel Attal avait alerté le Sénat sur le fait que la suppression de l’article 44, permettant le calcul d’indus par extrapolation, se traduirait inévitablement par l’embauche d’un nombre important de fonctionnaires compte tenu du volume colossal de factures que l’assurance maladie doit contrôler.

Rédigé par Philippe Tisserand
One Another Consulting