Dans un communiqué de presse du 19 décembre, la Fédération Nationale des Infirmiers (FNI) annonce que « le statut d’infirmier référent n’est plus un mirage », l’inscription de ce concept au code de la sécurité sociale faisant l’objet d’un des six articles de la proposition de loi n°657 visant à améliorer l’accès au soin pour tous. Enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 décembre 2022, cette proposition est portée par les députés du groupe Horizons et apparentés :
Le syndicat rappelle que cette mesure visant à inscrire dans le code de la sécurité sociale le concept d’infirmier référent est « portée depuis des années par la Fédération Nationale des Infirmiers ».
Cette revendication, aujourd’hui reprise de façon consensuelle par la plupart des syndicats infirmiers, trouve en réalité son origine dans le livre blanc -Horizon 2030- publié en juillet 2012 par la FNI. Le concept d’infirmier référent que le livre blanc de la FNI proposait d’articuler avec les missions du médecin traitant et du pharmacien correspondant trouve ses racines dans la définition des missions des infirmières de familles issue du programme -Santé 21- de l’OMS, définissant la politique cadre de santé publique du début du XXIe siècle pour l’Europe. Qu’on les appelle « infirmières de familles » ou « infirmières de proximité », précisait la FNI dans sa vision prospective, « La notion d’infirmière de famille doit trouver une traduction, en France, qui passe par l’inscription, dans la loi, du concept d’infirmière référente ».
En 2018 le Sénat avait donné un signal fort à la profession, avec l’adoption d’un amendement au PLFSS proposé par la FNI au groupe Les Républicains, amendement ouvrant la voie à la possibilité d’expérimenter la désignation d’infirmiers de famille (Sénat d’un amendement au PLFSS 2019 - amendement 477 rectifié du 12 novembre 2018). Mais cet amendement, adopté contre l’avis du gouvernement avait été rejeté en dernière lecture à l’Assemblée nationale.
L’article 4 de la proposition de loi du groupe Horizons propose cette fois d’insérer au code de la sécurité sociale un article ainsi rédigé : « Art. L. 162-12-2-1. – Afin de favoriser la coordination des soins, tout assuré ou ayant droit âgé de seize ans ou plus indique à son organisme gestionnaire de régime de base d’assurance maladie le nom de l’infirmier référent qu’il a choisi, avec l’accord de celui-ci (…) L’infirmier référent assure une mission de prévention, de suivi et de recours en lien étroit avec le médecin traitant et le pharmacien correspondant (…) ».
Les députés du groupe Horizons misent, eux aussi, sur les infirmiers
Après les parlementaires socialistes, communistes et Républicains et à quelques semaines de la présentation du texte de loi de la députée (Renaissance) Stéphanie Rist sur l’accès direct à certaines professions d’auxiliaires médicaux, c’est au tour de l’aile droite de la majorité d’entrer dans la danse des propositions de loi pour « améliorer l’accès au soin ».
Profitant de leur niche parlementaire, les élus Horizons misent eux aussi sur les paramédicaux avec la création du statut « d’infirmier référent » auquel ils proposent d’attribuer « notamment une mission de prévention, de suivi et de recours en lien avec le médecin traitant ». Les élus imaginent une équipe de soins autour du patient, composée de cet infirmier référent, du médecin traitant et du pharmacien correspondant, équipe qui lorsqu’elle sera complètement désignée par le patient pourra mettre en œuvre les protocoles nationaux de soins coordonnés, jusqu’alors réservés aux structures pluriprofessionnelles.
Par contre, les députés proposent également des mesures coercitives à l’égard des médecins qui risquent de se heurter à l’hostilité des libéraux de santé. La proposition de loi députés instaure en effet « un nouveau mode d’autorisation d’installation » pour les médecins, qui serait géré directement par les agences régionales de santé (ARS). Avant de s’installer sur un territoire donné, le praticien devrait ainsi avoir obtenu le feu vert de son agence, après « avis » de l’Ordre. Cette mesure est présentée comme l’une des clés pour « mieux réguler leur installation et anticiper l’augmentation du nombre de médecins suite à la suppression du numerus clausus ». Le gouvernement qui ne cesse de réaffirmer son hostilité au recours à la coercition en matière de régulation démographique des médecins prendra-t-il le risque de soutenir cette proposition ? Rien n’est moins sûr.
Le pari risqué de la niche parlementaire
Moment tant attendu, chaque groupe politique a sa niche parlementaire à l'Assemblée nationale. Ce terme désigne la séance mensuelle, durant laquelle l'ordre du jour est fixé par les parlementaires, et non pas le gouvernement. Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, un jour par mois est réservé aux groupes d'opposition et minoritaires.
En pratique, cette journée est une belle opportunité médiatique pour les oppositions et les groupes minoritaires qui ne voient quasiment jamais leurs propositions adoptées, mais qui trouvent là un moyen de pression afin de contraindre le Gouvernement et sa majorité à s'intéresser à d'autres sujets que ceux qu'ils portent habituellement ou qu’ils ne souhaitent pas débattre pour diverses raisons.
Toutefois, la période actuelle et spécialement la composition de l’Assemblée Nationale est intéressante à relever. En effet depuis les dernières élections législatives le Chef de l'État n'est en effet plus soutenu que par une majorité relative de députés. La niche parlementaire du groupe Horizons retrouvera peut-être, dans ces circonstances, plus de sens et toute sa portée. La proposition de loi n° 657 sera examinée en séance publique le 2 mars.
Rédigé par Philippe Tisserand
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