En France, un enfant sur 10 serait chaque année victime de harcèlement scolaire, soit près d'un million de victimes. Par ailleurs, 20 % des jeunes de 8 à 18 ans déclarent avoir été la cible de cyberharcèlement, selon une étude réalisée en 2021 par e-Enfance et la Caisse d'Épargne. Face à ce fléau, le médecin généraliste joue un rôle clé en matière de prévention.

Le médecin généraliste : garant de la santé physique et psychique

En tant que professionnel de santé, le médecin généraliste est le garant de la bonne santé physique et psychique de ses patients, y compris des enfants et des adolescents. Il est donc en position privilégiée pour accompagner les jeunes victimes de harcèlement, ainsi que leurs parents qui souvent se sentent démunis pour détecter les signaux de mal-être et faire face à la situation.

Comprendre le harcèlement scolaire : critères et définition

Il est essentiel de comprendre précisément ce que recouvre la notion de harcèlement scolaire. Le harcèlement ne se résume pas à une simple dispute ou bagarre entre élèves. Il se caractérise par trois critères importants : l'intentionnalité des actes, leur répétition dans le temps et leur caractère asymétrique, c'est-à-dire un rapport de force entre l'agresseur et la victime. Le médecin peut utiliser la définition de référence proposée par Hélène Romano, docteur en psychopathologie, pour éclairer les parents et les patients :

« Le harcèlement scolaire correspond à tout acte intentionnel répété et commis par un individu ou un groupe d’individus sur un éleve, quel que soit son âge, au moyen de mots (insultes, humiliations, menaces, moqueries), de gestes (agressions physiques, atteintes sexuelles), d’écrans (cyberharcèlement) et/ou dégradation matérielle de ses biens personnels. Ces agissements hostiles réitérés, qui relèvent de violences psychologiques, physiques, sexuelles ou matérielles, visent sans aucun bénéfice direct à blesser l’autre, à l’isoler et à le détruire psychiquement, dans un climat entretenu de terreur psychique. Le harcèlement scolaire conduit a de multiples conséquences somatiques, psychiques, familiales, sociales et scolaires, susceptibles d’hypothéquer durablement la vie de cet enfant ou de cet adolescent ».

Les mécanismes de propagation du harcèlement

Le harcèlement trouve son essor grâce à l'interaction de trois facteurs :

  • La domination : Le harcèlement est souvent le résultat de l'action d'un groupe plutôt que d'un seul individu. L'auteur du harcèlement tisse un réseau de complices qui sont témoins de ses actes. L'objectif est de renforcer son pouvoir et de marginaliser la victime. Les témoins, souvent par peur d'être eux-mêmes ciblés, choisissent généralement de rester silencieux, se soumettant ainsi implicitement au leader. Le harcèlement prend alors une dimension collective.

  • L'isolement : La victime se retrouve privée de soutien et d'alliés, ce qui la pousse à se replier sur elle-même et à s'isoler de plus en plus. Elle se retrouve désarmée pour faire face à cette campagne de harcèlement et ne peut plus faire face seule.

  • L'encouragement : L'auteur du harcèlement se sent renforcé lorsqu'il bénéficie du soutien direct ou indirect de ses pairs. Leur présence tacite à ses côtés le galvanise, ce qui accroît sa violence. Ceux qui font semblant de ne rien voir participent également indirectement au harcèlement.

Pour compléter cette description du phénomène, la pédopsychiatre Nicole Catherine souligne le sentiment d'incompréhension de la victime face à ce qui lui arrive. En ne réagissant pas, elle encourage inconsciemment ses harceleurs à poursuivre leur campagne destructrice. La "cécité des adultes" contribue également à favoriser la persistance du harcèlement, car les adultes (enseignants, parents, etc.) ne se rendent pas toujours compte de la répétition des actes malveillants.

Les conséquences du harcèlement sur la santé des enfants et des adolescents

Le harcèlement scolaire peut avoir de graves conséquences sur la santé des jeunes victimes. Parmi ces conséquences, on peut citer :

  • les troubles du comportement,
  • la perte de confiance en soi,
  • les difficultés scolaires,
  • l'absentéisme,
  • le décrochage scolaire,
  • les pathologies anxiodépressives,
  • les répercussions dans la vie personnelle et professionnelle,
  • les pulsions agressives,
  • les conduites suicidaires,
  • l'augmentation des risques de violence intrafamiliale et de délinquance à l'âge adulte.

Le médecin généraliste est donc confronté à un large éventail de problèmes de santé liés au harcèlement.

Le rôle du médecin généraliste dans la détection et la prise en charge du harcèlement

Le médecin généraliste joue un rôle crucial dans la détection précoce du harcèlement chez les jeunes patients. En étant attentif aux signaux faibles, tels que les symptômes somatiques (problèmes digestifs, difficultés respiratoires), émotionnels (irritabilité, anxiété, tristesse) et cognitifs (oublis fréquents, troubles du langage), le médecin peut repérer les indices d'un possible harcèlement. De plus, il peut offrir un soutien psychologique, orienter les victimes et leur famille vers des professionnels spécialisés, et les informer sur les démarches juridiques et comportementales à entreprendre.

Le rôle du médecin généraliste dans la détection et la prise en charge du harcèlement peut également inclure l'orientation des patients vers des professionnels spécialisés tels que les psychologues. En effet, le parcours de soins peut nécessiter une prise en charge multidisciplinaire pour aider les jeunes victimes à surmonter les conséquences psychologiques du harcèlement. Le médecin généraliste, en tant que coordinateur des soins, peut jouer un rôle clé en recommandant et en orientant les patients vers des psychologues expérimentés dans le traitement des traumatismes liés au harcèlement. Cette approche permet d'offrir aux victimes un soutien psychologique adapté et complémentaire à la prise en charge médicale, contribuant ainsi à favoriser leur rétablissement et leur bien-être global.

Sensibiliser les parents à leur rôle dans la prévention du harcèlement

Les parents ont un rôle crucial dans la prévention du harcèlement, notamment du cyberharcèlement. Le médecin généraliste peut sensibiliser les parents à l'importance de contrôler la présence et l'image de leurs enfants sur les réseaux sociaux, ainsi qu'à l'utilisation d'applications de contrôle parental pour protéger les appareils électroniques. Il est également essentiel d'encourager le dialogue familial, d'inciter les enfants à se déconnecter et à développer des relations sociales réelles, et de créer un cadre sécurisant propice à l'expression des émotions.

Le médecin généraliste : un acteur clé dans la lutte contre le harcèlement

En conclusion, le médecin généraliste occupe une position centrale dans la lutte contre le harcèlement scolaire. Il est le professionnel de santé de référence pour les enfants et les adolescents, et son rôle dans la prévention, la détection et la prise en charge du harcèlement est crucial. En sensibilisant les parents, en détectant les signaux faibles, en offrant un soutien psychologique et en orientant les victimes vers les ressources appropriées, le médecin généraliste contribue activement à la protection de la santé et du bien-être des jeunes victimes de harcèlement.