Dans l'attente d'un éventuel examen du texte par le Conseil constitutionnel, le PLFSS pour 2023 est considéré comme définitivement adopté au Parlement. Pour conclure le feuilleton sur le PLFSS du blog d’information Quantum, je vous propose un panorama des dernières modifications retenues par l'exécutif au terme de la navette parlementaire.

Concernant l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) pour 2022, outre l'effort de 570 M€ pour l'année 2022 présenté au Sénat pour permettre à l’hôpital de faire face, entre autres, à l'épidémie précoce de bronchiolite, le gouvernement a déposé un amendement pour mieux tenir compte en 2022 des surcoûts liés au Covid à l'hôpital pour un montant de 543 M€. La rectification de l’ONDAM est ainsi portée à + 10,1 Md€ par rapport au montant voté dans la LFSS pour 2022.

  1. 1. L’ajout d’une quatrième année au DES de médecine générale

Le texte adopté entérine l’ajout d’une quatrième année au DES de médecine générale. Le stage de cette nouvelle année de professionnalisation aura lieu « sous un régime d’autonomie supervisée par un ou plusieurs praticiens, maîtres de stage, des universités agréées, dans des lieux agréés en pratique ambulatoire dans lesquels exercent un ou plusieurs médecins généralistes et en priorité dans les zones mentionnées au 1° de l’article L. 1 434-4 du Code de la santé publique. » Il pourra également avoir lieu dans une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS. Les étudiants commençant le troisième cycle à la rentrée de l’année universitaire 2023 seront concernés par cette réforme.

  1. 2. L’exonération de cotisation pour le cumul emploi retraite limitée aux médecins

Rappelons que le Sénat s’était prononcé en faveur d’une extension à l'ensemble des professionnels de santé de l'exonération des cotisations des retraités reprenant une activité libérale. Dans la version adoptée sans vote en lecture définitive, est intégré un amendement de la rapporteuse générale Stéphanie Rist, pour recentrer cette mesure sur les seuls médecins. Pour le moment, elle ne concernera que l’année 2023, « sous réserve que leur revenu professionnel non salarié annuel soit inférieur à un montant fixé par décret ». Cet article a contraint la Caisse autonome de retraite des médecins de France à annuler la hausse de 4.8% des retraites complémentaires des médecins, prévue pour compenser l’inflation.

  1. 3. Les rendez-vous de prévention assurés par tous les professionnels de santé

Pour prolonger le parcours de prévention durant l'enfance, des rendez-vous de prévention seront mis en place à trois âges clés de la vie adulte : 20-25, 40-45 et 60-65 ans. Le but affiché est de Lutter contre l’apparition de facteurs de risque ou de pathologies chez l’adulte. Tous les professionnels de santé seraient a priori habilités à réaliser ces rendez-vous, mais le contenu et les modalités de mise en œuvre seront précisés par des textes réglementaires qui donneront lieu à l’ouverture de négociations conventionnelles entre l’Assurance maladie et les professions de santé libérales concernées.

Dans une interview au JDD en septembre, le ministre de la santé présentait cette innovation comme une des mesures phares de ce PLFSS pour 2023. Les étudiants ou jeunes actifs de 25 ans pourront, a-t-il expliqué, « faire le point sur les vaccins, leur activité physique, d’éventuelles addictions ou difficultés liées au début de la vie professionnelle ». Ils seront alertés sur la « nécessité d’avoir un médecin traitant et sur la prévention du risque cardiovasculaire ».

La consultation de milieu de vie, à 45 ans permettra d’évoquer « la nécessité de participer au dépistage du cancer du sein, du colon ou de la prostate ». La crise de la quarantaine sera aussi au programme avec « un bilan sur l’activité physique et d’éventuels troubles de santé mentale ».

Enfin, à 65 ans, l’accent sera mis sur « la prévention de la perte d’autonomie, le dépistage des cancers et de toutes les maladies qui peuvent être prévenues ». Il pourra aussi être question du « départ à la retraite », pas toujours facile à vivre. 

  1. 4. La permanence des soins étendue aux chirurgiens-dentistes, sages-femmes et infirmiers

Concernant la permanence des soins, le gouvernement est resté sur la première version du texte qui précise « Les établissements de santé et les autres titulaires de l’autorisation mentionnée à l’article L. 6122-1 ainsi que les médecins, les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes et les infirmiers diplômés d’État, sont responsables collectivement de la permanence des soins ».

Aujourd’hui, la permanence des soins concernant les activités de soins et les équipements matériels lourds soumis à autorisation est essentiellement assurée par les établissements publics de santé. La participation à la permanence des soins ambulatoires des médecins sur la base du volontariat ne permet pas de garantir une couverture complète de tout le territoire.

Ainsi la présente mesure propose d’introduire la notion d’une responsabilité collective de participation à la permanence des soins, tant en établissement de santé qu’en ville. Elle sera assortie de contrôles et de réquisitions en cas de défaut de fonctionnement.

Par ailleurs, le texte adopté permet d’élargir à de nouveaux professionnels la permanence des soins ambulatoire : les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes et les infirmiers diplômés d’Etat. Ceci permettra de répondre à des demandes régulées par les SAMU-centres 15 et les services d’accès aux soins qui n’ont pas vocation à être prises en charge par un médecin, dans le strict respect des compétences de chacun. 

Cela implique de déterminer par voie réglementaire la rémunération d’astreintes pour les nouvelles professions de santé participant aux gardes de permanence des soins ambulatoires, indépendamment de la rémunération des actes accomplis dans le cadre de leur mission, ainsi que de leur éventuelle participation à la régulation téléphonique préalable.

  1. 5. Des consultations médicales en zones sous denses imposées par les ARS

A titre expérimental et pour trois ans, l’Etat pourra : « autoriser les agences régionales de santé à organiser, selon des modalités arrêtées conjointement avec les conseils de l’Ordre des médecins territorialement compétents, des consultations de médecins généralistes ou spécialistes dans les zones mentionnées au 1° de l’article L. 1 434-4 du code de la santé publique, dans un lieu différent du lieu d’exercice habituel de ces médecins ».

  1. 6. Accès direct aux infirmiers de pratique avancée (IPA)

L’accès direct aux (IPA) est retenu dans la version finale du projet de loi. Pour une durée de trois ans mais à titre expérimental dans trois régions, « l’État peut autoriser les infirmiers en pratique avancée à dans le cadre des structures d’exercice coordonné mentionnées aux articles L. 1 411-11-1, L. 1 434-12, L. 6 323-1 et L. 6 323-3 du Code de la santé publique. Un compte rendu des soins réalisés par l’infirmier en pratique avancée est adressé au médecin traitant et reporté dans le dossier médical partagé ». Cette nouveauté introduite par la loi est censée permettre à cette jeune profession, et notamment à sa branche libérale, de prendre en charge directement les patients dans le cadre des structures d’exercice coordonné. Rappelons qu’à ce stade les interventions des IPA sont soumises à la signature d’un protocole d’organisation avec le médecin qui leur adresse ses patients. 

Pour aller plus loin, une proposition de loi déposée par Stéphanie Rist, députée du Loiret souhaite faire des infirmiers en pratique avancée (IPA) « des praticiens qui pourront voir des maladies bénignes à la place du médecin mais en coordination avec lui ». Elle voudrait aussi donner la possibilité à ces infirmiers en pratique avancée de pouvoir faire une prescription quand ça relève de leur compétence, même avant que le malade puisse voir le médecin « il y a des compétences, mettons ces compétences au service des Français » a-t-elle insisté.

  1. 7. Prescription et administration vaccinales par les infirmiers

L’article 33 de la LFSS prévoit que les infirmiers pourront prescrire et administrer « certains vaccins dont la liste et, le cas échéant, les personnes susceptibles de bénéficier sont déterminées par un arrêté du ministre chargé de la Santé pris après avis de la Haute autorité de santé ».

  1. 8. Certificats de décès par les infirmiers

Le texte adopté prévoit en son article 36 d’autoriser les infirmiers à signer des certificats de décès. Une autorisation sera donnée « à titre expérimental » dans un maximum de six régions, et « pour une durée d’un an ».

  1. 9. Lutte contre la fraude, les indus pourront être calculés par extrapolation

Comme il fallait s’y attendre, l’Assurance maladie pourra fixer forfaitairement des indus par extrapolation à tout ou partie de l’activité donnant lieu à prise en charge de l’Assurance maladie, à l’issue d’une procédure contradictoire entre l’organisme d’Assurance maladie chargé du recouvrement de l’indu et les professionnels de santé libéraux, les distributeurs ou les établissements de santé.

Relevons enfin que l'amendement du Sénat sur la réforme des retraites a été supprimé. Un projet de loi sur les retraites doit être présenté par le gouvernement en janvier 2023, après concertation avec les partenaires sociaux. Un bilan de cette concertation sera présenté mi-décembre par la Première ministre.

Rédigé par Philippe Tisserand
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