Face aux tensions d’approvisionnement en médicaments, le ministre de la Santé et de la Prévention et le ministre de l’Industrie avaient posé les jalons en février 2022 d’une nouvelle stratégie de prévention et de gestion des pénuries permettant de mieux affronter les crises qui pourraient survenir. Parmi ces chantiers figure la constitution d’une liste évolutive de médicaments dits « essentiels » pour répondre aux besoins prioritaires des Français.
Lors d'un déplacement le 13 juin en Ardèche consacré à a souveraineté industrielle, le président de la République annonçait son plan de lutte contre les pénuries de médicaments. Afin de prioriser ces efforts de relocalisation, une cinquantaine de médicaments essentiels sur lesquels la France est la plus dépendante des importations extra-européennes, ont, à ce stade, été identifiés. Sur cette sélection, la moitié verra sa production relocalisée ou augmentée significativement sur le territoire national d'ici cinq ans.
Pour identifier précisément les médicaments et principes actifs dont la relocalisation de la production en France est prioritaire, une liste de près de 450 médicaments essentiels vient d’être dévoilée dans une « feuille de route pénurie » présentée le ministère de la Santé et de la Prévention.
Fondée sur l’expérience de la Société Française d’Anesthésie Réanimation, la constitution de cette liste a démarré par une approche associée aux grands organes (cœur, rein, cerveau) et a tenu compte de la criticité ou l’urgence médicale. Une démarche d'analyse croisée entre plusieurs sociétés savantes de médecins a été conduite pour correspondre à la pratique clinique des médecins français, elle devra être régulièrement revue en suivant l'évolution des pratiques. La liste reprend le travail à date des praticiens mais inclut aussi les médicaments inscrits dans les plans de santé publique du ministère. Cette liste comprend plus de 40 % des médicaments qui ont eu des déclarations de rupture dans les deux dernières années.
À partir de cette liste, des travaux spécifiques seront engagés pour mieux garantir leur disponibilité :
- Suivi renforcé sur les capacités d’approvisionnement
- Analyse des pratiques de prescription et des tendances d’achat
- Solutions correctrices nécessaires pour assurer la réponse au besoin
- Pour certains médicaments des opérations de relocalisation
Les chaînes de production globales, de la matière première au produit fini, ainsi que les réseaux de distribution, seront cartographiées et renforcées, si besoin, en lien avec le ministère de l’Industrie. Des solutions d'urgence comme la mise en œuvre de solutions de production de secours seront aussi instruites dans le cadre du plan blanc.
Pour élaborer la liste des médicaments essentiels, les sociétés savantes ont procédé par spécialité avec la même méthode (Delphi) pour aboutir à une liste finale par spécialité. Le niveau de criticité est déterminé par deux facteurs : la fréquence d’utilisation (de plusieurs fois par jour à moins d’une fois par semaine) et la gravité des ruptures médicamenteuses observées.
Le niveau de gravité des ruptures est apprécié selon quatre critères :
- Absence d'alternative, mise en jeu du pronostic vital si absent
- Conséquence importante, recommandation forte, modification importante de la prise en charge
- Conséquence limitée = retard, équivalence avec d'autres molécules
- Conséquences faibles
À partir de ce choix, la criticité de la rupture apparaît en multipliant la fréquence par la gravité pour obtenir au final quatre niveaux : faible, modérée, importante ou majeure.
Au total ce sont près 450 médicaments – dont plus de 40 % ont donné lieu à des déclarations de rupture dans les deux dernières années - qui ont été retenus pour constituer cette liste de médicaments qualifiés d’essentiels (IPP, antidiabétiques, antibiotiques de première ligne, anti-hypertenseurs, anticancéreux, antiviraux à action directe, solutions intraveineuses, produits pour l’échographie, etc…). On y retrouve aussi de nombreux médicaments de pratique courante comme les médicaments pour le reflux gastro-œsophagien, anti-infectieux intestinaux, certains laxatifs, s’y ajoutent les médicaments essentiels car associés aux plans de santé publique selon trois catégories, la lutte contre les addictions (substituts nicotiniques, addiction aux opioïdes), santé sexuelle ( contraception d’urgence, interruption de grossesse médicamenteuse) et l’ensemble des vaccins obligatoires ou relevant de recommandations.
Rédigé par Philippe Tisserand
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