La commission d’enquête du Sénat, dans son rapport sur la situation de l’hôpital et le système de santé en France remis le 29 mars 2022 recommande de procéder rapidement à une évaluation des conditions de formation des infirmiers, notamment des modalités de sélection des étudiants en début d’études et de l’adéquation des maquettes de formation aux exigences des métiers pour « remédier aux lacunes constatées chez certains diplômés ».

Au cours de ses travaux, la commission d’enquête a été alertée sur l’évolution particulièrement préoccupante des conditions de formation des infirmiers, tant en ce qui concerne la pertinence de la sélection que l’adéquation aux exigences attendues pour l’exercice du métier.

Jugeant la sélection par Parcoursup inadaptée et à l’origine de trop d’abandons en cours d’études, le rapport remis au Sénat estime que l’entrée sur concours accompagnée d’un entretien de motivation au moment des épreuves d’admission, en vigueur jusqu’en 2018, donnait de meilleurs résultats.

Cette situation pourrait révéler l’inadaptation de la sélection par l’algorithme Parcoursup, puisqu’à partir d’une demande surabondante, elle dirige vers les Instituts de Formation en Soins Infirmiers (IFSI) trop de profils d’étudiants paraissant insuffisamment motivés ou préparés à la réalité de la formation. 

De nombreux interlocuteurs de la commission d’enquête ont en effet souligné qu’une partie des difficultés actuelles de recrutement des personnels infirmiers étaient également liées à des sorties de formation très inférieures aux effectifs initialement entrés en école. Le taux d’abandon en cours d’études semble atteindre un niveau préoccupant. À la rentrée 2021, selon le Comité d'entente des formations infirmières et cadres (CEFIEC) 2 271 étudiants ont quitté les IFSI au bout de deux mois, soit 12,9% de l'effectif.

Des témoignages alarmistes

Le déroulement des stages hospitaliers obligatoires au cours des études est effectué dans des conditions souvent dégradées, voire maltraitantes selon certains témoignages recueillis, en raison de la surcharge des personnels infirmiers en poste. Cet élément aggrave certainement la déperdition d’étudiants en cours d’études. Les conditions de tutorat et d’accompagnement des stagiaires sur les terrains d’exercice doivent être améliorées.

Le professeur Rémi Salomon, président de la CME de l’AP-HP a ainsi indiqué que « les jeunes infirmiers qui sont diplômés aujourd’hui sont moins bien formés qu’auparavant. Il faut se saisir à bras-le-corps du sujet, car tout se cumule : les jeunes, qui sont moins bien formés, se sentent moins prêts, la sélection, où il n’y a plus d’entretien, n’est pas adaptée »

Le président de la conférence des directeurs d’établissements privés non-lucratifs, Jacques Léglise, indiquait quant à lui : « La formation est un enjeu majeur. Les infirmiers et infirmières ne sont pas suffisamment formés en sortant des écoles. Les infirmiers de bloc opératoire ou de réanimation ne sont plus recrutés en sortie d’école. Visiblement, la formation de base est devenue beaucoup moins technique. Les jeunes infirmiers et infirmières ont peur désormais des soins très techniques. Le système est par conséquent à réinventer. »

Plusieurs autres témoignages recueillis par la commission d’enquête vont dans le même sens. Ils confirment les problèmes spécifiques rencontrés pour le recrutement d’infirmiers spécialisés, par exemple pour la réanimation, « la formation ne comportant plus de module consacré aux soins critiques depuis plusieurs années ». Ils révèlent également des difficultés plus inquiétantes parfois liées au manque d’acquisition de compétences de base à la sortie d’école, « par exemple pour des calculs de dosage nécessaires aux injections ». Enfin, on constate un besoin croissant d’infirmiers spécialisés en gériatrie qui demeure aujourd’hui insatisfait.

Une révision du décret infirmier en perspective

La Fédération nationale des étudiants en sciences infirmières (FNESI) a lancé le 6 avril ses « grandes consultations », auprès de ses étudiants, avec l'objectif de les questionner « sur leur formation, leur contenu, leurs attentes et leurs revendications pour l'avenir ». Cette consultation s'inscrit dans le cadre d'un travail portant sur la réouverture du référentiel de formation en soins infirmiers.

En effet, le 20 janvier, lors d'un colloque organisé par l'Ordre national des infirmiers, le ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran avait annoncé sans plus de précisions l'ouverture imminente des travaux de révision sur le décret infirmier.

C’est désormais chose faite, avec une lettre de mission, datée du 17 mars, confiant à l'Inspection générale des affaires sociales le soin d'émettre « des propositions d'évolution du métier étayées par une consultation élargie des publics concernés par cette réforme ». Les recommandations formulées serviront de base à l’élaboration des « référentiels et des textes réglementaires rénovant la profession. ». La copie devra être rendue au plus tard en juillet prochain.

Philippe Tisserand
One Another Consulting


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